Dans mon travail, j’ai appris que l’aide au développement ne pouvait être associé à une démarche caritative. Simplement donner n’aide pas vraiment les gens. Cela crée une relation de dépendance, cela coupe à la racine les prises d’initiative de l’assisté, c’est inhibateur des processus de développement.
Mais alors, peut-on négliger l’état de pauvreté au nom de l’incapacité à aider durablement par une démarche caritative?
Est-il inconvenant de donner une pièce à un mendiant? une soupe à un SDF?
Est-il contre-nature de soutenir les plus faibles?
Ma femme me dit que dans sa culture, on considère qu’il est bon de donner aux mendiants, mais seulement au premier que l’on rencontre dans la journée. Mouai, c’est une façon de faire, mais ça n’aide pas vraiment à répondre à la question.
Chez nous à l’église, on fait sans cesse appel à la charité des gens.
Chez les musulmans, si je me rappelle bien, il est demandé de garder annuellement 5 % des avoirs dont on n’a pas besoin pour les partager avec les plus pauvres.
La charité est une vertu typiquement promue au sein des religions monothéistes.
Mais honnêtement, je reste plutôt sceptique envers le simple acte de donner un peu d’argent.
Je ne vois pas grand chose de valorisant dans la scène du mendiant qui survit grâce à la «générosité » des passants. Cela manque de dignité, cela garde chacun à sa place dans le système. Ce sont les plus riches qui ont les possibilités de changer les choses, mais c’est eux qui préfèrent que rien ne change. Les pauvres voudrait que les choses changent, mais n’en ont pas les moyens.
D’un certain point de vue, donner une pièce à un pauvre, c’est un peu hypocrite, un peu lâche, c’est se défaire d’un sentiment de culpabilité, sans vraiment agir pour aider.
L’Inde est pleine de mendiants. Mais les premiers explorateurs anglais d’avant la colonisation ont tous reportés la même chose : « il n’y a pas un seul mendiant dans toute l’Inde ». Il me parraît évident que c’est le système complètement inéquitable, exclusif de notre société et son économie moderne qui ont créé la pauvreté telle qu’on la connait aujourd’hui.
Il serait, à mon sens, beaucoup plus juste et efficace, de s’attaquer aux racines de cette pauvreté, et peut-être même, s’attaquer à changer le système en retrouvant les valeurs de la solidarité locale.
Pour commencer, une bonne façon d’aider serait d’aider les gens à ce qu’ils puissent s’aider eux-même.
Si chacun pouvait se dire « je vais prendre soin d’une personne en particulier qui a besoin d’aide, et je vais le faire de façon à ce que cette personne puisse prendre ses responsabilités », alors, je trouve que c’est intéressant. Mais cela demande un beaucoup plus grand sacrifice que de sortir une pièce de sa poche. Cela demande de consacrer du temps, de s’impliquer dans la difficulté de l’autre, de comprendre comment on peut s’en sortir ensemble.
La pauvreté d’un voisin, d’un gars pas loin de chez soi, c’est aussi notre pauvreté.
Si je vois un pauvre et que je lui donne une pièce, nous restons pauvre tous les deux. Mais si je m’arrête, qu’on développe une vraie relation humaine, qu’on essaie ensemble de réfléchir à une solution et la mettre en actions, alors on s’enrichit tous les deux.
